Portraitiste privilégié du Grand Siècle autant qu’il le fut de Richelieu, en cinquante ans d’activité, Philippe de Champaigne a dégagé des trois grands chapitres du siècle – trois grands mouvements concertants, avec l’ardeur juvénile, la bravade et l’intimidation sous Richelieu, les déchirements fraternels, sanglants et sournois, sous la conduite de Mazarin, la désillusion enfin avec Louis XIV – l’unité fondamentale d’un magistral rêve d’absolu. Nul autre artiste mieux que ce Bruxellois ne s’est porté plus spontanément au-devant des dramatiques événements desquels devait émerger la notion exaltante d’identité nationale. Philippe de Champaigne a surtout voulu vivre les contradictions de son temps : Louis XIV et Port-Royal, la religion d’Etat et le libre-arbitre. Sa position enviable de peintre officiel fait de lui le plus pertinent interprète de l’autorité ; mais son adhésion spontanée, désintéressée, aux valeurs de l’opposition lui garantit une indépendance de pensée et une lucidité d’esprit unique en son siècle. Que la peinture prenne acte ! Le paradoxe comme l’un des Beaux-Arts : exclusivement peintre, mais plus curieux que quiconque de toutes les techniques alors à l’honneur et de tous les genres ; adepte de la tradition, mais créateur du premier tableau d’histoire de la peinture française ; portraitiste prodigieux, ami des Jansénistes qui dédaignaient le portrait ! Au temps de la raison qui vit le déchaînement aveugle des passions, le rouge devint la couleur fétiche du plus discret représentant de l’idéal classique.